Par une décision du 5 juin 2015, le Conseil d’État a jugé que le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’une décision de retour n’emportait pas de droit à être entendu spécifiquement sur la décision le plaçant en rétention administrative dans l’attente de son éloignement.
En l’espèce, après avoir constaté que M.A..., de nationalité égyptienne, faisait l'objet d'une décision du préfet des Pyrénées Orientales en date du 25 juin 2012, devenue définitive, lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Doubs a placé M. A... en rétention administrative par une décision du 19 septembre 2012.
Si le tribunal administratif de Nancy a refusé d’annuler pour excès de pouvoir la décision préfectorale, la Cour administrative d’appel de Nancy a, en revanche, accédé à sa demande (CAA Nancy 9 décembre 2013 M. A..., req. n° 12NC01705). Devant la Cour administrative d’appel, M. A... soutenait que la procédure contradictoire prévue par l'article 41§2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne n'a pas été respectée.
La question posée à la Haute juridiction était celle de savoir si les observations de M. A... devaient nécessairement être recueillies entre le moment de son interpellation et celui de son placement en rétention.
Le Conseil d’État, dans cette affaire, s’est rangé aux côtés de la Cour de justice de l’Union européenne. Il a estimé que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour (CJUE 5 novembre 2014 Sophie Mukarubega c/ Préfet de police et Préfet de la Seine-Saint-Denis, aff. C-166/13 ; CJUE 11 décembre 2014 Khaled Boudjlida c/ Préfet des Pyrénées-Atlantiques, aff. C-249/13).
Néanmoins, contrairement à la Cour administrative d’appel, le juge de cassation a considéré que ce droit n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
Le Conseil d’État s’était déjà prononcé en ce sens, dans le cas d'une OQTF prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour. Il avait alors jugé que le droit d'être entendu n'impliquait pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour (CE 4 juin 2014 M. Halifa, req. n° 370515, Recueil Lebon p. 152).