Conseil d’État 25 novembre 2015 Société Gibmedia c. Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, req. n°383482
Classiquement, la publicité est réalisée soit par publication, soit par notification individuelle. La publication des lois ainsi que des dispositions réglementaires émanant du Gouvernement ou des ministres est, en principe, centralisée dans le Journal officiel de la République française, et fait courir le délai du recours contentieux à l'égard de tous les tiers si l'obligation de publier cette décision dans ce recueil résulte d'un texte législatif ou réglementaire lui-même publié au Journal officiel.
Toutefois, la publication des dispositions d'ordre réglementaire prises par les autorités déconcentrées ou décentralisées est réalisée par des voies propres à ces autorités. Il résulte ainsi de la jurisprudence du Conseil d’État qu’en l'absence d'une telle obligation de publication au JORF, le délai de recours contentieux ne court à compter de la publication que si le recueil peut, eu égard à l'ampleur et aux modalités de sa diffusion, être regardé comme aisément consultable par toutes les personnes susceptibles d'avoir un intérêt leur donnant qualité pour contester la décision (CE Section 27 juillet 2005 Million, req. n° 259004, Lebon p. 336 : concernant une décision du bureau d’un conseil régional).
Dans le même sens, le juge administratif a admis que les décisions à caractère réglementaire d’un établissement public puissent être opposables aux tiers à compter de la date de leur publication au bulletin officiel de cet établissement ou de celle de leur mise en ligne, dans des conditions garantissant sa fiabilité, sur le site internet de cette personne publique. (CE 24 avril 2012 Établissement public voies navigables de France, req. n° 339669, Lebon p. 166).
Par sa décision Conseil d’État 25 novembre 2015 Société Gibmedia c. Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, req. n°383482, le Conseil d’État semble étendre à une autorié administrative indépendante sa jurisprudence sur les modalités de publication des délibérations à caractère réglementaire d'un établissement public.
En l’espèce, à la suite de la demande présentée par la société Orange, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « ARCEP »), autorité administrative indépendante chargée de réguler les communications électroniques et les postes en France a, par décision n° 2013-0945 du 16 juillet 2013, abrogé la décision n° 97-183 du 23 juillet 1997 de l'Autorité de régulation des télécommunications confirmant l'attribution à la société France Télécom de la ressource en numérotation " 3615 " pour l'exploitation du service Télétel.
Puis, par une décision n° 2013-1348 du 5 novembre 2013, l'ARCEP a attribué à la société Orange ce même numéro pour une durée de vingt ans.
La société Gibmedia, éditrice de services numériques allant des solutions de paiement en ligne à l’édition de sites web, a demandé l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision à la suite du rejet par le président de l'ARCEP de son recours gracieux formé par sa lettre datée du 2 avril 2014.
Or, pour la Haute juridiction, la mise en ligne sur le site Internet de l'ARCEP des décisions de cette autorité fait courir le délai de recours à l'égard des professionnels du secteur dont elle assure la régulation, même si aucune disposition législative ou réglementaire n'a prévu une telle publication.
En l’espèce, le Conseil d’État a relevé que, la décision attaquée attribuant la ressource en numérotation " 3615 " à la société Orange a été mise en ligne à compter du 6 novembre 2013 sur le site de l'ARCEP et que le recours gracieux formé par la société Gibmedia, éditeur de services numériques, contre cette décision n'a été présenté à l'ARCEP que le 4 avril 2014.
Dès lors, le juge en a conclut la requête de cette société formée devant le Conseil d’État le 5 août 2015 était tardive et par suite irrecevable.